Réforme de la garde à vue, c'est parti!

Publié le par dialogue initiative jeune

 

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Par une fraîche matinée de fin d'hiver, le fameux article 61-1 de la Constitution révisée, instaurant le mécanisme de question « prioritaire » de constitutionnalité (ou contrôle constitutionnel a posteriori) est entré en vigueur en grande pompe le 1er mars 2010.

            Si tous les citoyens ne sont pas nécessairement bien informés de cette formidable avancée démocratique, les avocats parisiens  de la Conférence des avocats du Barreau de Paris, eux, ont le jour-même décidé d'en faire usage, transmettant à la Cour de Cassation une question sur la conformité avec la Constitution de ...la garde à vue. Nous ne saurons que dans huit jours si la cour suprême la remettra au Conseil constitutionnel, lequel aura 3 mois pour se prononcer.

             La garde à vue! Encore elle! Mais pourquoi donc s'en prendre à ce dispositif dont on s'accommode depuis des décennies et qui, somme toute, est utilisé, aménagé voire surménagé par les démocraties occidentales?

             A dire vrai, il ne s'agit pas d'une question technique, mais fondamentale, avec un triple enjeu. Tout d'abord, la garde à vue est constitue une restriction de police aux libertés individuelles, et, partant, un sujet sensible pour tout citoyen. Ensuite, c'est une méthode qui, aux dires mêmes de Mme le Garde des Sceaux, est parfois abusivement appliquée et de façon quasi systématique: 800 000 en 2009! Enfin, elle est en porte-à-faux avec la jurisprudence récente.


 

 800000 gardes à vue en 2009

            Actuellement, le Code de procédure pénale prévoit que la police ou la gendarmerie peuvent, «pour les nécessités de l'enquête», placer en garde à vue toute personne  soupçonnée d'avoir commis une infraction. La durée légale est de 24 heures, 48 heures, ou exceptionnellement 96 heures pour des affaires de crime organisé ou de trafic de stupéfiants, et jusqu'à six jours pour certaines affaires de terrorisme. Le détenu  peut s'entretenir avec un avocat dès la première heure de sa garde à vue, pendant 30 minutes maximum. En revanche, l'avocat n'a pas accès au dossier et n'assiste pas aux interrogatoires.

             Or, le 28 janvier, le tribunal correctionnel de Paris  a annulé cinq gardes à vue au motif que «cet entretien de trente minutes» avec l'avocat «ne correspond manifestement pas aux exigences européennes». Car c'est de la CEDH que les coups les plus durs sont portés au dispositif actuel, ainsi, dans un arrêt du 13 octobre 2009, les juges de Strasbourg ont estimé que  l’ « équité d’une procédure requiert que l’accusé, dès qu’il est privé de liberté, puisse obtenir toute la gamme d’interventions propres au conseil »: en clair, l'assistance d'un avocat est obligatoire dès le début de la garde à vue.

 

Il est indispensable que [...] la place de l'avocat soit centrale

            Le gouvernement et le monde parlementaire ont bien compris que la situation française ne pouvait rester en l'état actuel: il faut revoir la procédure. C'est pourquoi Mme Alliot-Marie, le 2 mars, a proposé un   avant-projet de réforme de la procédure pénale soumis à la concertation pour limiter le nombre de gardes à vue. Plusieurs avancées sont à souligner,  notamment le recadrage des gardes à vue pour les  seuls délits et crimes « punis d'une peine d'emprisonnement », afin d'éviter la rétention pour des infractions minimes. Il est indispensable, au cours des négociations sur ce texte, de veiller à ce que la place de l'avocat soit centrale.

             Une réforme devrait réaffirmer deux principes fondamentaux. Premièrement, il est urgent que les conditions de rétention (tout comme, d'ailleurs, dans le monde pénitentiaire) soient conformes au respect de la dignité humaine, socle de notre démocratie. Secondement, quoiqu'il faille tenir compte des impératifs de la sécurité, il faut se remémorer les conclusions du commissaire du gouvernement Corneille sur l'arrêt Baldy: « La liberté est la règle; la restriction, l'exception ».

 

 

Etienne Vanderperre pour la mission liberté.

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